Nous sommes quatre à rester quelques jours de plus, trois à découvrir le coin et une qui, maintenant qu’elle a retrouvé la vie civilisée, ne veut plus retourner dans la poussière des pistes. Elle se cherche un guépard et se prélasse du lit aux fauteuils du jardin, des eaux tièdes du Chari aux bons restaurants de la ville !
Le matin est consacré aux courses. Tout est plus cher qu’en France. Les blancs habitant ces pays ne s’exposent jamais au soleil et ont des visages pâles. Nous visitons la cathédrale, une merveille d’architecture moderne, qui a coûté 260 millions d’anciens francs, inspire le respect aux musulmans mais n’empêche pas la jalousie.
Le musée est fort intéressant avec ses pirogues, ses vieux costumes et surtout le résumé des recherches archéologiques de la région.
Déjeuner d’adieu à l’hôtel. Filet de zébu et bon vin rouge. C’est aujourd’hui que nous nous séparons sans vouloir montrer notre tristesse. L’aventure est presque terminée. En attendant le retour des voitures parties conduire nos compagnons à l’aéroport, nous finissons les préparatifs de notre petite expédition en puisant dans la soute aux bagages tout ce dont nous avons besoin : bidons d’eau, verres, pichet, boîte à sucres, tente et provisions.
Il était une fois, dans un petit village polynésien, des enfants qui n’avaient jamais vu la neige. Ils ne savaient pas ce que c’était parce que, dans leur pays, en décembre, il fait trop chaud pour que la neige tombe. Et si jamais elle était tombée, elle aurait de toute façon tout de suite fondu !
Mais dans ce village, depuis de longs mois, les adultes avaient préparé une surprise pour les enfants. Et en cette veille de Noël, ils les avaient tous rassemblés sur la place, face à la mer, autour d’un buffet croulant sous les fruits, les fleurs et les friandises. Anaé ne voulait pas être la dernière du village à découvrir ce que les adultes avaient préparé pour eux et elle houspillait son grand-père : - « Vite Papoune, on va tout rater ! » Papoune avait souri, mais il n’en avait pas pressé le pas pour autant. Il connaissait le grand secret et il en riait d’avance de plaisir. Ses yeux noirs pétillaient de malice. Bordée de cocotiers et de flamboyants en fleurs, la place fut vite remplie par tous les enfants du village.
Un gros conteneur, orné d’un ruban de soie jaune, attirait la curiosité des gamins qui s’agglutinèrent autour. Le conteneur avait été déposé là durant la nuit, pendant que les enfants dormaient. Le chef du village, l’instituteur de la petite école et monsieur le curé attendaient sur une estrade que tout le monde fut en place. Après un chahut bien compréhensible, tant les enfants étaient pressés de découvrir le cadeau, le grand chef du village leva un bras pour faire silence. Il mit un porte-voix à sa bouche pour que tout le monde l’entende. Des « chut » fusèrent de toutes parts. On n’entendait soudain plus que le bruit des vagues à cause de la plage toute proche. - « Voici le moment pour vous de découvrir le secret qui plane depuis plus d’un mois sur notre village. Vous allez être surpris et j’espère heureux de ce cadeau ! » Il brandit alors un ciseau, descendit de l’estrade et s’avança vers le conteneur. Il coupa le ruban jaune qui s’affaissa à terre. - « Maintenant, vous pouvez ouvrir les portes », déclara-t-il solennellement. Des hommes tirèrent lentement sur les deux battants du conteneur réfrigéré. Aussitôt, les enfants se pressèrent pour en apercevoir le contenu : - « Oh, oh ! », s’exclamaient les petits avec émotion. Ce qu’ils apercevaient les laissait sans voix. Sous leurs yeux ébahis, une couche de neige d’une bonne cinquantaine de centimètres recouvrait le sol du conteneur et formait même un monticule au milieu. Et, juché sur le sommet du monticule, les enfants découvrirent un petit bonhomme de neige qui les regardait d’un air étonné. Les gamins n’en revenaient pas ! Ils n’avaient jamais vu de neige de leur vie et encore moins un bonhomme de neige. Le grand chef intervînt à nouveau avec son porte-voix : - « Et oui, les enfants, c’est bien de la neige que vous voyez là. Ce bonhomme de neige a été confectionné spécialement pour vous par des enfants de l’autre côté du monde ».
La première surprise passée, des rires de plaisir jaillirent, des applaudissements de joie claquèrent et la confusion revint. Anaé, qui se tenait au premier rang, écarquilla les yeux et regarda son grand-père en souriant. Comme tous les autres, elle était ravie. - « Vous pouvez toucher et jouer avec la neige, elle est pour vous », clama l’instituteur à la ronde. Les enfants bondirent vers le conteneur afin d’être les premiers à toucher cette substance si étrange. Anaé empoigna de la neige mais la rejeta aussitôt avec un petit cri : - « Oh, elle est froide ! » Grand-père se mit à rire de sa surprise. - « Elle colle dans nos mains », s’exclama un petit garçon en sautant de joie. - « On dirait de l’eau », s’étonna encore une petite fille désappointée en s’apercevant que la neige fondait sur sa peau toute chaude. Bientôt, des boules de neige volèrent. Anaé en reçut une sur le bout du nez et tomba à la renverse, sur les fesses. C’était son copain, Kadi, qui la lui avait envoyée. Elle se releva aussitôt et confectionna une boule qu’elle lui lança dessus en poussant un cri de joie. On aurait pu penser que des enfants n’ayant jamais vu de neige ne sauraient pas jouer avec, mais rien n’est plus faux. Il suffit qu’ils en aient à leur disposition pour trouver aussitôt les mêmes jeux.
Personne ne voulut toucher au bonhomme de neige. A la tombée de la nuit, les enfants s’assirent sur le sol, face au conteneur, et attendirent patiemment que le petit bonhomme de neige disparaisse entièrement. Ils se rappelleraient longtemps de cette nuit un peu magique où l’hiver vînt jusqu’à eux. Ils engrangèrent des souvenirs inoubliables qui enchantent encore les discussions autour du feu, au fond des cases.
Etant en famille toute la semaine prochaine, je ne pourrai venir vous visiter.
Encore des outardes et des centaines de minuscules oiseaux qui font un étrange trafic d’un arbre à une mare avec un ensemble parfait digne d’une patrouille de France. Certains de nous se permettent un rodéo à la poursuite d’un troupeau d’hippotragues. Trois girafes traversent la piste. Le tableau de chasse est terminé.
Pas d’essence à Waza malgré les prospectus enchanteurs. Un camion nous dépanne. Une entreprise va faire une belle route entre Fort Foureau et Waza pour attirer les touristes. Déjeuner au bac de Djilbé chez les Kotoko. Les africains rincent à l’eau du fleuve les nouilles à la sauce tomate que nous leur donnons. Baignade en attendant le bac pour traverser le Chari. Attente à la douane.
Fort Lamy, hôtel du Chari. Quatre étoiles. Gabriel a le sourire, mission accomplie. Jardins cultivés, arbres fleuris, petit zoo, appartement avec terrasse, clim, douches chaudes, reflets d’argent sur le Chari quand le soir tombe, vendeurs acharnés de bibelots à l’entrée de l’hôtel. Cherchons nos toilettes les moins froissées. Dîner sympathique, capitaine, hamburger, œuf poché. Nuit à moustiques.
Pour partir très tôt et avoir ainsi des chances de rencontrer des animaux, régime jockey, juste un verre de thé pour le petit-déjeuner, ainsi en a décidé notre chef.
Il est 7h30. Image camarguaise : des zébus se baignent dans un étang d’argent.
Siki s’accroche à sa mère nourricière en poussant des cris. Il nous amuse ce petit singe. Il dort comme un petit ange ou fait ses crottes sans prévenir, mord unetelle parce qu’il sent qu’elle ne l’aime pas, pousse des oh d’étonnement avec la « bouche en cul de poule » et gigote au bout de sa ficelle pendu la tête en bas quand on le laisse seul dans la voiture.
En plein milieu de la piste un gros tas brunâtre encore tiède et une pisse toute fraîche nous font battre le cœur. L’œil illuminé, nous partons en file indienne sur les traces de l’éléphant que Gabriel déchiffre sur le sol. Des singes s’enfuient dans le haut des arbres. L’éléphant doit être loin et nous n’avons pas une journée à lui consacrer aussi faisons-nous bien tôt demi tour l’œil éteint !
La gazelle est partie pour le paradis des gazelles et nous l’abandonnons tristement au pied d’un arbre. Là j’avoue que j’en ai eu gros sur le coeur.
Un bon déjeuner cuit dans un trou d’éléphant, quelques chopes de vin remettent nos voyageurs de moins mauvaise humeur. La gazelle a l’air malade. Le lait ne doit pas lui convenir. Petite sieste pour digérer sardines, maquereaux et cannellonis.
Nous partons vers l’autre extrémité de la réserve, envoyant une personne à l’avant pour détecter les marécages. Les hommes s’approchent à pied d’un gros rocher qu’ils ont pris pour un dos d’éléphant. Devant le danger d’une telle promiscuité l’une des femmes les abandonne emmenant la voiture sans prévenir et sans même savoir que je suis debout sur le toit. C’est pour le bon motif : il en restera au moins un pour s’occuper des enfants.
Nous camperons ce soir à l’abri des remparts de Tchédé. De mignons chevreaux, les ânes à l’ombre des murs s’écartent apeurés au passage de nos véhicules. Des troupeaux de milliers de têtes de zébus traversent la plaine conduits par des pasteurs armés de sagaies.
Depuis la terrasse, nous croyons voir un éléphant à cinq cents mètres, puis une cheminée d’usine que nous prenons pour la trompe s’élever quelques instants au-dessus de la cime des arbres. Avons-nous la berlue ? Malgré notre peur des lions, nous nous éloignons vers le sommet d’une termitière pour mieux observer sans aucun succès d’ailleurs. Au retour nous n’échappons aux moqueries. Soirée agrémentée par le spectacle d’un feu de brousse.
En route pour le parc de Waza. Nous bouillons d’impatience. Qu’allons-nous découvrir ? Parsemé entre de gros blocs de rochers les luxueux boucarous attendent les touristes pleins d’argent. Entrée du parc payante, 20 francs par personne pour voir quoi ? On nous prévient que les animaux en cette saison sont dans les yaérés c’est-à-dire les marécages où nous ne pouvons aller et que les autres mares sont asséchées.
Nous entreprenons le circuit des mares désertées, seul possible. Nous n’avons jamais vu si peu de vie. Grosse déception. Nous quittons même les voitures le cœur palpitant pour pénétrer pédestrement plus avant dans la brousse. Est-ce vraiment prudent ? Si un lion surgissait.
Dans les arbres, des affûts sont installés. La terre desséchée est labourée de grosses empreintes d’éléphants.
Nous rencontrons quelques hippotragues ou antilopes chevalines, des outardes, des grues, deux ou trois oiseaux exotiques et puis c’est tout, c’est peu pour des gens qui s’imaginaient voir des milliers d’antilopes, des centaines de girafes, des troupeaux d’éléphants (ce que promet l’alléchante réclame de l’UTA pour ses week-end à Waza contre 200.000 anciens francs !).
L’un des nôtres est aux aguets à plat ventre sur le toit de la voiture mais il n’a pas prévu les branches basses qui lui écorchent le dos, un autre ne cesse de pester contre l’organisation de la réserve
La confrérie des cordonniers confectionne des nu-pieds avec des morceaux de chambre à air. Celle des barbiers rase leurs clients assis face à face au ras du sol, et les tailleurs font naître de vieilles machines à coudre Singer échouées là, des chefs d’œuvre de la mode pour beautés noires.
Au milieu de tout cela circule une foule chamarrée et bruyante. Que de robes en lamé or, que de portraits de président sur les fesses de ces dames, que de bébés ballotés et heureux, que d’odeurs, que de poussière, que de chaleur. Nous en sommes écœurés. Un vieil homme chante et s’accompagne d’un instrument de musique encore jamais vu : une poignée de vélo en caoutchouc !
Déjeunons à un restaurant dénommé de la Porte Maillot ! Décidément. A l’entrée artisans qui exposent dents d’hippo sculptées, masques, éléphants en soi-disant ébène (je m’étonne de leur voir une défense sur deux, c’est parce qu’ils se sont battus me répond-on ), sacs, crocodiles en ivoire, porte couteaux, grands panneaux sculptés. C’est le moment de marchander !
Après-midi consacré au retour vers les boucarous de Mora. Photographié la prometteuse affiche du Parc de Waza. Délicieuse soirée passée à rêver d’animaux sauvages. Dîner dans la salle décorée de trophées de chasse à la lueur de magnifiques lampes à pétrole. Comme à l’habitude il n’y a pas assez de lits pour coucher tout le monde et certains seraient obligés de dormir par terre si nous n’avions eu l’idée de dédoubler les lits, un matelas, un sommier, en voilà pour deux personnes.