Bain de foule au temple de Kelaneliya
La fête du Perehara a lieu cette nuit au temple de Kelaneliya, à huit kilomètres de Colombo, pour la pleine lune du mois de janvier. Je me joins à deux jeunes gens qui s’y rendent également.
La foule est dense, peut-être cent mille personnes. Nous nous installons, assis par terre, dans les tout premiers rangs, face au couloir où doit passer le défilé. Les gens s’agglutinent et l’emplacement où je suis assise (le passeport sur mon ventre, me coinçant l’estomac) se rétrécit au point de devenir un petit carré de quarante centimètres de côté. Plus loin derrière, les gens sont debout. Il fait très chaud. Des infirmiers distribuent de l’eau ou emmènent sur des brancards des personnes se trouvant mal.. Le défilé tarde. Je regrette d’être venue. Je voudrais partir, c’est impossible. Des policiers font une barrière serrée à l’avant et grâce à eux j’arrive au premier rang, où je peux enfin étendre mes jambes, à deux mètres des éléphants qui passent avec leurs grosses pattes enchaînées certes, mais …
Ah, c’est splendide et fantastique ! Le plus bel éléphant aux longues défenses d’ivoire recouvertes d’argent, le nez et les oreilles illuminés par des petites ampoules éclairées (le groupe électrogène suivant derrière sur une brouette) portant la chasse contenant la relique du Bouddha, s’avance sur un tapis que l’on déroule devant ses pas. Soixante quinze éléphants caparaçonnés portant d’illustres personnages, les fouets qui claquent , les danseurs de Kandy aux coiffures de cuivre ou masqués, au son des tambourins, les jongleurs de feu, les torches qui flambent, dont je reçois les étincelles. Tout cela est hallucinant et irréel. Les gens qui poussent pour mieux voir sont maintenus avec peine par les policiers qui ont sorti leurs ceinturons et frappent sans discernement pour essayer de contenir ceux qui, dans leur folie mystique et délirante, vous piétineraient si par malheur vous tombiez à terre.
Je crève de chaud, j’ai soif, j’ai peur, j’ai sommeil. Je n’en peux plus, il est trois heures du matin.
La foule se disloque enfin et je suis perdue sans pouvoir trouver une sortie. Toutes les issues sont bloquées par des milliers de gens. J’arrive enfin à un parking d’où quelques voitures ont l’air de démarrer. J’avise des français que je supplie (en anglais) de bien vouloir m’emmener d’un air si affolé qu’ils ont enfin pitié. Après une heure, bloqués dans la voiture fermée où l’on étouffe (dès que la vitre est ouverte, des dizaines de bras s’y enfilent) poussés, tirés, chahutés, nous arrivons à nous échapper sans écraser personne, ce qui fut un véritable exploit.