Les guérisseurs des Philippines (4/4) Juanito Flores
JUANITO FLORES
Depuis Carmen continuer tout droit après le pont en fer sur cinq ou six kilomètres environ et à gauche se trouve la maison du guérisseur. Il y a déjà là un car de patients mexicains.
Au milieu des arbres, des palmiers, sont construites des maisons de bois aux toits de paille. Elles sont plantées sur pilotis dans un sol poussiéreux qui révèle la sécheresse de la région. Autour des maisons courent les poules et les chèvres, les chiens, les cochons et une vache. Une agréable odeur de foin, à laquelle se mêlent des relents de fumier, traîne dans l’air.
Je découvre la chapelle blanchie à la chaux où officie Juanito Flores. L’intérieur est propre et paisible. Au plafond une bannière blanche est suspendue, l’appartenance à l’Eglise Espiritista, brodée en lettre jaune d’or.
Juanito apparaît tout simple, bras nus lui aussi, souriant et décontracté. Les gens montent sur l’estrade et se présentent à lui. Ici le style diffère. On n’a pas besoin de dire ce qui ne va pas. Il le voit avec l’aura qui nous entoure et soigne en envoyant de l’énergie aux points d’acupuncture. Avec ses doigts tendus, il donne de petites tapes rapides et l’on sent très nettement comme des piqûres d’épingle vous pénétrer la peau au point d’en faire une grimace. Cela se termine par un petit massage, particulièrement du ventre, à l’huile de coco par les assistants.
Après cela il y a un petit entracte où Juanito se remémore tous les cas qu’il a vus et choisit ceux qui ont besoin d’être opérés. Il se sert d’une feuille de papier blanc pour radiographier l’endroit malade. Nous on ne voit rien mais lui voit.
La façon d’opérer est la même que celle de Joséphine, mais Juanito est un peu plaisantin et le spectacle est digne du grand guignol. Il sort des bouts d’intestin qui sont encore attachés au ventre, qu’il coupe, qu’il raccorde. (si le bout tient encore au ventre, c’est bien que ce n’est pas un morceau rapporté n’est-ce pas ?). Il en sort un morceau long de trente centimètres qu’il balade sous le nez du patient un peu crispé. Un assistant verse de l’eau, Juanito enfonce très fortement une cuiller à soupe dans le ventre du malade ; ça fait floc floc. Il s’en amuse et il la ressort pleine de sang. L’opération dure une dizaine de minutes. Trois fois j’ai vu une patiente crier, alors on arrêtait tout et on lui ordonnait de se relaxer.
Les malades du monde entier viennent ici pour un dernier espoir. J’ai passé cinq heures debout pour assister au spectacle. J’ai aussi reçu l’énergie de Juanito et je dormirai quinze heures d’affilée tant je suis fatiguée. Heureusement que j’ai trouvé une gentille famille qui me fait partager la chambre de leur fille. Mon mal aux reins s’est évanoui !