Smara (3/3)
Les chameaux s’arrêtent. Michel sort de son couffin et pénètre avec joie dans une bâtisse. Il tire sa montre : il est midi un quart.
« Je pense à Caillié dans Tombouctou animé – moi, c’est la mort. Exaltation qu’il dut éprouver. Pourtant comme sur ton socle tu dois être belle, avec la porte de ta grande Kasba au soleil couchant ! »
photo Vieuchange
porte de la kasbah
« J’approfondis un peu une excavation et là, dans un flacon d’alcool de menthe, je place l’inscription :
« MON FRERE JEAN VIEUCHANGE ET MOI-MËME, MICHEL VIEUCHANGE, FRANCAIS, AVONS EN COMMUN FAIT LA RECONNAISSANCE DE SMARA, CHACUN SE CHARGEANT D’UNE PART DE LA MISE EN OEUVRE, MON FRERE DU SOIN DE ME SECOURIR AU CAS OU, CAPTIF OU BLESSE, JE L’APPELLERAIS, MOI-MÊME PENETRANT DANS L’OASIS LE PREMIER NOVEMBRE MIL NEUF CENT TRENTE. … »« Je mets un peu de terre et quelques pierres dessus. »
Il ne restera que trois heures seulement à errer dans les ruines à pas pressés. « En pénétrant sous le morceau de plafond en délabrement de ta mosquée, autrefois sainte et pour les prosternations, que je foulais à présent en homme qui simplement veut voir, je sentis une brusque chaleur dans ma poitrine, un mouvement de mon coeur. »
photo Vieuchange
intérieur de la mosquée
Sur le retour il échappera à la trahison du Chibani, à ceux qui voudraient le prendre en otage contre rançon ou s’en débarrasser en l’étranglant.
Il souffre de dysenterie, brûlé par les fièvres, il arrive enfin à Tiznit où il reçoit les premiers soins à l’infirmerie avant d’être transporté à Agadir.
Et ce sont les retrouvailles entre les deux frères. Michel a juste le temps de raconter son odyssée à un Jean bouleversé, avant de mourir, l’âme en paix, le 30 novembre 1930, à l’âge de 26 ans, trente jours exactement après son suprême bonheur d’avoir atteint son but SMARA, la ville fantôme.
Du 10 septembre au 16 novembre 1930, il aura parcouru près de 1400 kilomètres. C’est avec une grande émotion que nous lisons aujourd’hui ses notes qui nous montrent que la ténacité , le courage et la volonté peuvent arriver à pousser l’homme au delà de ses limites.
Source : Smara , carnets de route d’un fou du désert par Michel Vieuchange. Editions Phébus
À lire également : L’ultime désert, Antoine de Meaux, Editions Phébus.
Chez Nicole, http://nicole-raconte.over-blog.com , vous trouverez quelques photos de paysages actuels non loin de Smara.