Un voleur entre par la fenêtre
Dernière journée. Ce matin promenade jusqu’à la plage nord et repos à l’ombre. Cet après-midi bain de soleil et tour du village avec nostalgie. W est avec moi et comme c’est l’heure du thé, on a la délicatesse de nous apporter deux tasses et une assiette avec du pain grillé (considéré là bas comme du gâteau). Les gens veulent nous marier. Le kalifon est désolé que je parte et qu’il reste !
Le soir c’est encore la fête. Tout le village est réuni auprès des enfants. C’est au tour des filles de danser, de chanter avec pour tam tam des bâtons cognant avec ensemble sur des marmites en fer blanc. L’ensemble est réussi et je suis tirée de mon extase par mon propriétaire qui vient , tout désolé, m’apprendre qu’un voleur a arraché les barreaux de ma fenêtre, a pénétré dans ma chambre, puis s’est enfui. Heureusement il n’a pas eu le temps de voler quoi que ce soit. Mon appareil photo est toujours là et mon argent (le peu qui me reste) toujours caché dans la toiture ! Je ne veux plus dormir dans une chambre où l’on peut pénétrer si facilement par la fenêtre. Je déménage une fois de plus et m’installe, devinez où, dans la chambre même de mon hôte qui a pu ainsi veiller sur moi la nuit entière ! Pour moi, enfin une nuit sans tourments. Pour lui, peut-être pas ?
C’est le matin du départ. Je suis triste de quitter cette île. Y reviendrai-je un jour ? La famille est attentionnée pour moi et m’offre deux fois du thé avec des gâteaux, parce que la première fois je n’avais rien pu avaler tant j’avais la gorge serrée de devoir partir. Ils participent à ma peine de les quitter. Ils sont même allés chercher des coquillages au fond de leur réserve pour me les offrir.
Le dhoni de Nassim est prêt à appareiller. Tout le monde est venu au débarcadère pour me faire ses adieux, même le kalifon. La voile est dressée, les mains s’agitent, l’île s’estompe.
Je vogue vers Malé. Mes yeux se posent sur les pêcheurs. Nassim me demande mon masque et tuba. Je les lui offre, pour lui c’est important de pouvoir regarder sous l’eau pour ramasser des coquillages. Il en est très heureux et me donne un petit sac de prunes qu’il emmenait au marché pour les vendre.
Je pleure de quitter ces lieux magiques.
(Je dois vous signaler que ces aventures se sont déroulées en 1977 et que depuis l’Inde a interdit aux touristes de résider sur les îles de pêcheurs. Des îles hôtels ont vu le jour pour un tourisme de luxe loin des populations. Les îles sont malheureusement peu hautes sur l’eau et avec le réchauffement climatique, risquent de disparaître un jour. C’est pourquoi, près de la capitale, les maldiviens ont construit une île artificielle haute de deux mètres au-dessus du niveau de la mer.)