
Je mourrais d’envie de faire le Mont Blanc, j’avais dans les trente ans et j’étais une passionnée de montagne.
Ce sommet m’attirait. J’avais envisagé pendant un moment de faire comme Rébuffat, d’y construire un igloo afin d’y passer une nuit !
Mes désirs étant un peu fous , je me résignais sagement à prendre un guide pour en effectuer l’ascension en traversée. Du coup ce ne sera pas un seul sommet que je vaincrais mais trois à la suite !
Je devais partager l’ascension avec un compagnon et le guide sera un Charlet dont je ne me souviens plus du prénom, un vieux guide d’une lignée bien connue dans Chamonix.
J’avais choisi d’aller au refuge de Tête Rousse à 3.167 m d’altitude l’attendre le jour précédent.
Il devait me prendre au passage pour attaquer la face du dôme du Goûter,

photo Clarisse Cordée
très tôt le matin afin que les pierres soient encore piégées dans la glace au lieu de nous tomber sur la tête pendant une certaine traversée très pentue de seulement 80 mètres mais oh combien dangereuse.

Nous arrivâmes au refuge du Goûter à 3.817 m pour y passer une nuit très courte !
Lever 2 h du matin, départ 3h à la lampe frontale.
Depuis un nouveau refuge a vu le jour. Il est très moderne et il peut accueillir plus de monde.
Nous formions une longue file indienne agitant nos feux follets sur la neige.
Je mis, je crois, cinq heures pour atteindre le sommet non sans mal. 1.000 mètres de dénivelées.
Sur l’arête des bosses,

photo du net
vous dire combien j’ai souffert ! J’avais les doigts vraiment gelés, il faisait moins 15 degrés et grand vent, mon souffle était court, chaque pas était un effort encouragé par mes deux compagnons dont le guide qui se faisait un peu sévère ! Heureusement celui qui grimpait avec moi me prit en pitié et m’offrit quelques sucres à croquer !

Le spectacle là-haut était féerique. J’étais tellement crevée que je n’ai même pas eu l’idée de demander à ce qu’on me prenne en photo !
J’aurais bien aimé voir le refuge Vallot au cours de la montée. Je n’ai rien vu, peut-être était-il dans la brume mais ce que je sais, c’est sûr, c’est que quand je marche je ne lève pas les yeux ! Au début ce n’était qu’une petite cabane qui a été reconstruite plusieurs fois après sa destruction dans les intempéries.
Joseph Vallot, en 1898, a adjoint à son laboratoire scientifique, un salon pour recevoir des visiteurs de haut rangs, jusqu’à 27 personnes, capables de monter à 4.350 m. Imaginez un salon chinois sur le toit de l’Europe meublé d’un canapé incrusté de nacre, de coussins de velours, de tapis brodés, de meubles laqués, de bibelots précieux et porcelaines fines au milieu de la neige et des tempêtes !
Et puis finalement la joie d’avoir atteint le sommet m’a redonné des ailes !
Après quelque repos, nous poursuivîmes l’ascension par les montées successives du Mont Maudit puis du Mont Blanc du Tacul avant de parvenir à l’Aiguille du Midi où une benne nous redescendit à Chamonix.
J’étais de retour à 13 heures dans la vallée.
J’étais reconnaissante à mon guide et je le remerciais.
J’étais heureuse, je pouvais lever la tête vers le sommet des dieux, je savais comment c’était là-haut, un panorama que jamais je n’oublierai !