Sitôt débarqués, ils se trouvent devant l’abri du marin. Il faudrait raconter l’histoire de ces abris du marin mais c’est un autre sujet.
Ils longent les quais, respirant l’air iodé qui les ranime un peu. L’île est calme, pas de voitures, pas de vélos, les chiens et les chats sont en liberté. Tonton Lom semble aux anges quand tout à coup, il s’écrie : « Regarde Gaïd, cette rue, c’est pour nous »
et Tante Gaïd d’ajouter: »Oh oui alors ! C’est la rue »Monte au ciel » ! C’est toi le bolchevick qui dit çà ! Je crois que le Bon Dieu est gentil avec nous. Allons jusqu’à l’église. Je voudrais faire une petite prière pour tous ces îliens qui se sont réfugiés dans l’église lors des raz de marée qui ont submergé l’île à plusieurs reprises. La dernière fois c’était en 1924. Et Tonton Lom accompagne Tante Gaïd dans l’église. Respectons leur silence.
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Le déjeuner est servi au restaurant »chez Brigitte ». Un ragoût de homard »marplij » (s’il vous plaît) ! Et c’est Tonton Lom qui reçoit, comme pour un retour de noces. Jeanne-Yvonne se régale, surtout qu’elle fait partie des invités d’honneur. Le budget du tailleur de pierres va en prendre un coup, mais »au diable l’avarice » pour une fois. Après le café, en route pour la promenade dans une remorque tirée par un tracteur agricole un peu récalcitrant et cahotant sur les chemins de l’île.
Le chapelle Saint Corentin. On raconte que, parfois, lorsque le Saint ne répondait pas favorablement à une demande, on le mettait au »piquet », en retournant contre le mur sa statue qui se trouve à l’intérieur de la chapelle. Mais, il ne faut pas croire tout ce que l’on raconte !
Le rocher du Sphinx et le monument de la France libre.
Il faudrait un ouvrage complet pour parler de l’île de Sein. De nombreux auteurs s’y sont consacrés. Ne les plagions pas. Disons cependant que, en d’autres temps, l’île de Sein fut appelée le quart de la France et que la coiffe des îliennes »la Jibilinenn » est portée depuis l’épidémie de choléra de 1886, que la vie dans une île ne se compare pas à la vie sur le continent, et tant d’autres choses comme la peste de Plogoff, à la fin du XVIème siècle. (Les survivants de cette épidémie furent nombreux à émigrer à l’île)…
Une visite de l’île, entre deux liaisons de bateau, ne permet qu’un tour d’horizon très rapide, d’autant que l’heure du retour approche. Il ne faut pas rater le départ car on serait condamné à attendre le lendemain. Embarquement donc ! La mer s’est un peu calmée. On peut donc rester sur le pont pour profiter des paysages tout en regardant les dauphins qui batifolent autour du bateau. Que de poésie dans ce voyage.
Il faut rappeler que tout cela a été décrit, on devrait dire chanté par des écrivains de talent dont Anatole Le Bras, l’auteur de l’histoire d’un meurtre dans un phare, peut-être à Tévennec à l’époque où l’îlot était gardé par des hommes : un couple et un célibataire. Part du rêve, part de la réalité, à chacun son point de vue. Et le retour se déroule tranquillement, les paysages défilant en sens inverse du voyage aller.. Une petite heure de trajet et Sainte Edwette est bientôt en vue
C’est en apercevant des gens sur le sentier côtier que Jeanne-Yvonne se mit à fredonner :
Les chemins bretons sont des fantaisistes
Qui vont de travers au lieu d’aller droit ….
Qu’importe ils s’en vont vers de gais lointains
N’est-ce pas ainsi qu’est la vie humaine ?
(poème de Jos Parker)
Les organisateurs ont prévu le petit car pour le transport des anciens. Ils ne vont pas rejoindre directement le foyer logement car une petite collation est prévue dans un hôtel à la Baie des Trépassés. Et Tante Gaïd de rappeler que, il y a bien longtemps, elle avait fait une saison à l’hôtel de la Ville d’Ys dont le nom n’existe plus.
Le soleil allait bientôt se coucher. C’est alors que Jeanne-Yvonne, avec peut-être un peu de vague à l’âme, fit entendre un des classiques bretons de son répertoire :
An héol a zo kuzet, setu échu an dé …
Kousk, Kousk Breiz Izel…..
Le soleil s’est couché, déjà le jour n’est plus…
Dors, dors Bretagne…
Voilà, c’est la fin de cette histoire que Danaé et Spartacus ont eu beaucoup de »plijadur » à vous raconter. Kénavo et à bientôt pour d’autres konchennous, des histoires de chez nous, du Cap-Sizun au bout du monde, là où s’arrête la terre et où commence la mer.