Le Cap Sizun autrefois raconté par Blandine Meil (4/14)
une naissance en 1925
Jeanne rassemble une brassée de linge sale et s’en va au lavoir, mouille, frotte, savonne, tord et claque le battoir, à genoux durant des heures. Est-ce pour bientôt Chann ? lui demandent les commères du lavoir. Jeanne, tout à son affaire, se dépêche car elle vient de sentir les premières douleurs prédisposant à ma naissance. Hissant son panier de linge mouillé sur sa tête, une main sur la hanche , l’autre en l’air sur l’anse du panier, elle grimpe le chemin caillouteux en se dandinant et hahanant jusqu’au village.
Il était temps! En entrant dans la maison, elle perdit ses eaux.
Éloigne les petites dit Maman à sa soeur Anna. Conduis-les à Mam-goz (grand-mère) du haut du village et trouve quelqu’un pour avertir la commère goz (l’accoucheuse). Ce qui fut fait, l’entraide au village était chose habituelle et coutumière qui allait de soi.
La soeur de grand-père, la tante Jeanne vint assister Maman et l’aider dans ce grand évènement. Puis Maman mit un pied sur une chaise et grimpa dans son lit; celui-ci étant soulevé de terre pour contrer l’humidité car le sol de la chambre est en terre battue. Merveilleuse Mère!
Encouragée par sa tante Jeanne , elle souffre pousse, halète, pousse encore et crie ! moi aussi je fais de mon mieux pour émerger au grand jour ! Je ne sais quelle fut la part de l’accoucheuse, mais maman et moi nous fîmes bien des efforts. Et me voilà!
On me fit une belle toilette. On m’habilla d’une chemise de coton fin garnie de dentelle à l’encolure, on m’emmaillota de langes molletonnés, on m’enfila une brassière tricotée main par maman bien sûr, on me coiffa d’un bonnet de coton blanc, on me banda des pieds aux aisselles comme une momie; cette coutume du bandage disparut vers les années trente cinq.