Taza (3/11)
Moulay avait naguère un ami qui s’appelait Si Mohamed. Si Mohamed vivait à Asfaou, à deux kilomètres de Taza. Il était marié, avait deux enfants et habitait la maison de ses parents ainsi que le font de nombreux habitants dans cette région du monde. Cette situation aurait pu durer encore longtemps si un grave conflit n’avait éclaté entre lui et son père.
Sous tous les cieux, il est des hommes qui s’accommodent mal du temps qui passe. Alors qu’ils approchent de la vieillesse et qu’ils commencent à en ressentir les effets, ils croient pouvoir repousser les échéances en vivant une seconde jeunesse auprès d’une femme dont l’âge aurait pu être celui de leur fille cadette. Pour cela, ils sont prêts à sacrifier la famille à laquelle jusqu’alors ils avaient semblé consacrer leur existence.
C’est précisément ce qui arriva au père de Si Mohamed. Au seuil de la vieillesse, il se mit dans l’idée de répudier son épouse pour se remarier avec une jeune femme. Son fils essaya bien de l’en dissuader, mais rien n’y fit. « Les femmes, surtout quand elles sont jeunes, ont les moyens de faire ce qu’elles veulent des hommes, surtout quand ils sont vieux », constata Moulay. Le père de Si Mohamed s’obstina, son fils aussi, et ils en vinrent à se disputer. Si Mohamed était un fils plein de respect pour son père et dans cette affaire il voulait avant tout défendre sa mère. La dispute s’amplifia au point que le père ordonna à son fils de prendre mère, femme et enfants et de quitter sa maison. Il faut croire qu’à ce moment-là, il tenait beaucoup à sa nouvelle et jeune épouse.