Carnet de voyage au Ladakh (5/7) au monastère d’Hémis, enseignements et balades
27 juin
Ce matin, Rimpoche nous fait réciter des prières en tibétain. L’une de nous lui apporte des gâteaux. Il nous sourit. Il est très décontracté. Il ôte son dentier pour boire l’orangeade ! Ceci n’est pas pour me moquer, mais pour insister sur sa simplicité. Son lit est comme les lits clos bretons, dans une armoire.
Je lave mon unique pantalon au bord de la rivière. Je fais de l’escalade sur les rochers alentour. Je suis très fatiguée et manque me trouver mal à la puja (cérémonie de prières) du soir.
28 juin
Les allemandes sont venues voir comment j’allais et m’ont apporté du papier toilette et des médicaments. Hier soir, un docteur bouddhiste a ausculté mon pouls et m’a donné des remèdes homéopathiques avec toute sa sympathie ! Je dors sur le toit de la maison des allemandes.
29 juin
Je suis toujours malade. Nous récitons beaucoup de prières en tibétain. Rimpoche est toujours souriant. Il se prête aux photos. Aujourd’hui les moines sont invités au restaurant et nous allons tous ensemble. C’est comme un jour de vacances. Nous mangeons la toukpa (soupe aux nouilles). Rimpoche se meut assez difficilement, aidé par un autre moine.
30 juin
Ce matin j’ai porté au Rimpoche une boîte de Nescafé (c’est un beau cadeau, elle coûte très cher) et il a bien ri en me remerciant. Il a fallu méditer quelques minutes pour faire le vide en notre esprit et après il nous a demandé en riant si nous avions mis Shunyata (le vide) en notre esprit ou bien si nous avions bien dormi !
Les moines sont devenus nos amis ainsi que « his holiness ». Je vais mieux. J’emmène mon déjeuner au monastère puis je fais la sieste chez les allemandes.
1er juillet
Nous avons pris un autre jour de vacances pour aller à Kotzang Monastery et au col à 4400 mètres. Le Rimpoche de Kotzang était le jeune moine que j’avais déjà rencontré dans le jardin du restaurant d’Hémis, ainsi que sa mère, sans connaître son importance. Nous avons donné une kata à deux et il a bien ri en nous la rendant autour de nos deux cous, à l’allemande et à moi. Nous avons été reçues là-haut chaleureusement avec des bols de thé, le thé tibétain au beurre rance qu’on finit par apprécier quand on pense boire du bouillon, du ragoût de pommes de terre, des céréales frites en forme de longs doigts. Nous avons participé à la puja ainsi que le chat du monastère ! On a ramené une petite poupée en tsampa (farine d’orge et beurre). Site magnifique. Fleurs le long du chemin. Baignade au retour dans le torrent.
2 juillet
Je prends le bus pour Leh d’où je ramène des provisions pour tout le monde. L’hôtelier du Guest House, heureux de me revoir car il était inquiet pour moi, me donne une bonne chambre, une couverture et m’offre du thé.
3 juillet
Je vais chez le coiffeur et essaye de trouver un moyen de transport pour retourner à Hémis en stop. Je loupe la route de Manali et me retrouve at the airport où je dois attendre en plein soleil un camion citerne pour retourner à mon point de départ. Nouvelle attente d’une heure, puis des militaires m’amènent au pied de la montée vers Hémis. Aux deux tiers du chemin, je suis épuisée avec mon sac lourd. Un camion arrive au loin très lentement, s’arrêtant à chaque instant. J’ai la chance insensée que ce soit le seul et unique qui monte à Hémis dans le but d’apprendre la conduite aux militaires ! J’ai bien un peu peur, mais j’arrive tout de même en haut pour découvrir à l’arrivée les fruits écrasés dans mon sac malmené et les cakes en miettes, mais quand même quelques cadeaux pour Rimpoche.
5 juillet
Ce matin enseignement des prosternations. Nous ne promettons pas d’en faire cent mille comme les jeunes moines doivent le faire (pour la santé de l’esprit et du corps) (je n’en doute pas). Nous pensons que Tenzing, l’interprète, va nous en faire la démonstration, mais c’est Rimpoche lui-même qui nous montre l’exemple. Pour lui, c’est très difficile car il est vieux et « imposant » et nous voudrions l’arrêter, le retenir, mais il fait trois fois les prosternations complètes. Après cela il se penche sur chacun de nous pour corriger les positions. Tensing rit beaucoup et nous aussi.
Brayen, le moine australien, nous fait ses adieux. Il me dit : « impermanence » « non attachement ».
Nous passons l’après-midi à recopier les enseignements puis je vais voir l’italienne dans sa maison pour faire seulement cinquante prosternations dont nous sortons complètement épuisées. C’est elle surtout qui m’encourage car je ne suis pas très convaincue ! Je suis encerclée par une meute de douze énormes chiens (affamés ?) crocs menaçants. Je lance mon sac autour de moi pour les empêcher d’approcher . Attirés par les hurlements, des gens accourent et les font fuir en se baissant pour leur lancer des cailloux. J’ai vraiment eu chaud pour mes mollets. Les alentours semblaient si tranquilles, je ne comprends pas d’où viennent ces bêtes sauvages et féroces.
6 juillet
Au petit matin terreur en entendant des aboiements au loin pendant que je fais ma toilette et lessive dans des petits canaux qui amènent l’eau.
Notre Rimpoche est très décontracté pendant les teaching. S’il mange une cerise, il envoie le noyau par la fenêtre avec la bouche et s’il la rate, c’est un éclat de rire général ! Au sujet du troisième œil chez les lamas, je devine qu’après les 100.000 prosternations où leur front a touché terre, ce n’est pas drôle qu’ils aient un cal au milieu du front !
9 juillet
Hier, j’ai reçu mon nom tibétain écrit par Rimpoche avec beaucoup d’application et d’amour sur un papier à l’en-tête du monastère, surmonté d’un beau tampon rouge. Aujourd’hui avant dernier jour d’enseignement, avec le conseil suprême : « surtout pratiquez ».
10 juillet
Pas de teaching ce matin. Rimpoche est parti à Leh pour un check up à l’hôpital. Départ de la jeep et sourires et bénédictions pour nous qui l’accompagnons sur quelques mètres. His holiness a mis sa bizarre casquette orange ! Il reviendra le soir avec une fleur sur l’oreille ! Rimpoche a sa « cour » pour l’accompagner au départ et à son retour. Mot magique : « Rimpoche is coming » et l’on se précipite.
Rimpoche nous a quittés le 29 mars 1983. J’ai reçu un faire part rose vif. Pendant sa crémation, un arc-en-ciel est paru dans le ciel. Cinq années plus tard, un petit enfant a été trouvé comme sa réincarnation. J’aurais bien voulu le rencontrer pour voir s’il m’aurait reconnue. Le petit Thukse Rimpoche, lors de la visite d’un lama français, ne voulait pas lui offrir la kata comme il est d’usage, mais était beaucoup plus occupé à vouloir se saisir de la boîte de jus d’orange. Il s’est précipité sur le jus de fruit, non pas pour le boire, mais pour en verser quelques gouttes dans la main du lama, geste rituel de l’eau lustrale (sacrée) qu’on verse aux participants à la fin d’une initiation et qu’un petit enfant ne peut naturellement inventer de lui-même.
Oui, ce sont les enseignements classiques ; le maître de Phène enseignait une méthode beaucoup plus simple, en supprimant les surnoms et les prosternations !!
Mais ton récit est passionnant. Et en plus tu voyageais seule !! Félicitations.
Bon soir Danae,
Avoir pu vivre toutes ces choses est un excellent karma dans cette vie.
Mes souvenirs sont assez semblables, mais juste moins dépaysants.
Pour ces pratiques préliminaires, trois années pour moi, et dire que les moines le font en deux mois…
Gros bisousssss et bonne soirée
—> Rimpoche donnait des enseignements afin d’accomplir sa mission sur cette terre, de transmettre oralement tout ce qu’il avait appris au cours de ses longues méditations dans les grottes. On sentait bien qu’il avait peur que ça se perde et il tenait à ce qu’on prenne des notes.
Bises Pascale, je comprends qu’être auprès des Maîtres dans le cadre des monastères tibétains était plus dépaysant qu’en région parisienne !
tes récits sont captivants danae!
je suis heureuse pour toi!
marie.
une bonne adresse pour se laver l’esprit et cultiver la sagesse…
je viens lire la suite, je suis en admiration moi devant ce que tu racontes, que de souvenirs tu as
Prend bien soin de toi
bisous
Alice
Dernière publication sur Alice : Stand By Me - Playing For Change - Song Around The World
Merci Danaé pour tes partages ,mon rêve aller un jour au Tibet …
Je te souhaite une bonne convalescence…et pense bien à toi .
Je t’embrasse