Au Tibesti (11) menu gazelle sauce au vin
Le jour se lève quand, quittant les profondeurs de l’enneri, nous mettons pied sur le plateau. Nous devons ce soir camper à la base de la montagne que nous voyons au loin, à quarante-cinq kilomètres de là. Comment vais-je pouvoir marcher dix heures alors qu’au réveil, je ne peux poser seulement le pied par terre, souffrant d’énormes ampoules ?
Lamaye porte le fusil en prévision des gazelles ou mouflons que nous pourrions rencontrer.
Le plateau de roches rouges creusé des failles des enneris a été souvent comparé à un glacier de pierre. Ici c’est le pays tout entier qui est fascinant. Partout s’opposent brutalement les teintes, les formes. Le minéral se heurte à la vie. Un proverbe dit : « Dieu distribua ses dons à tous les pays du monde. Il avait oublié le désert, le désert inhumain, alors Dieu lui donna son âme. »
Nous faisons une petite halte à l’ombre de rochers, allongés sur un terrain crayeux qui nous transforme en mitrons couverts de farine ! Les pauvres chameaux efflanqués sont bien heureux de faire halte eux aussi. On les décharge du déjeuner et des outres en peau de chèvre, qui agitées par l’eau contenue à l’intérieur, semblent reprendre vie. Pour marcher au soleil, il n’est pas conseillé de trop manger. Aucun danger de ce côté ! Nous sont attribués une tartine de pain, une sardine et une orange que nous garderons pour de petits plaisirs incommensurables au long de la piste.
Nous nous ébranlons tant bien que mal et franchissons un petit col où, soutien moral certain, blanchissent des os de chameaux éparpillés. A nouveau sur le reg, nous rencontrons des nomades. Les plus fatigués montent sur les chameaux. Marcher derrière un chameau est extraordinaire. On croirait qu’il a un radar au bout de chaque patte qui lui permet d’éviter les obstacles. Le rythme est régulier et le pas élastique. Nous nous dirigeons vers le creux d’un immense cratère éteint de huit kilomètres de diamètre, le tarso Voon. De l’autre côté, entre deux pointes rocheuses qui hérissent la crête, se situe Soborum.
Nous installons le camp II dans un enneri dont le « lit » est comblé de fins cailloux. Dans la lumière dorée du soleil couchant, on libère les bêtes au pâturage et l’on agrémente leur maigre menu de quelques dattes dures, pas de fraîche date ! Partout des pieds sanguinolents sont exposés aux rayons solaires. Dans l’attente du dîner préparé par les Toubous, nous nous entassons les uns près des autres pour avoir plus chaud. La nuit est tombée. Le feu est entouré par trop de personnes, le deuxième rang grelotte. Le riz aux oignons est délicieux. Edeye surveille les resquilleurs possibles. La gazelle sauce au vin est un régal (pauvre bête qui n’a pu échapper à l’adresse de tireur de Lamaye). La préparation du thé est longue et la chaleur du breuvage ne compense pas le froid qui nous pénètre. Enveloppés de deux duvets chacun, nous nous endormons en rêvant à Soborum.
Le désert, mais aussi la montagne… Cela me fait penser à ces quelques mots que j’ai lus il n’y a pas longtemps dans « Marcher,méditer » de Michel Jourdan et Jacques Vigne… Ils m’ont frappée car c’est tellement ce que je vis lorsque je fais de la randonnée…
« La véritable marche en montagne dépouille l’individu jusqu’à ce qu’il vive dans l’essentiel du paysage qui, à mesure que l’on monte en altitude, se dépouille lui aussi pour devenir un univers où ne poussent que quelques saxifrages et où ne vivent que quelques choucas. La montagne libère la vérité qui est en chaque homme. »
Le désert aussi doit « dépouiller » et « libérer la vérité », n’est-ce pas Danae…
Marie.
Dieu donna une âme au désert… Oui sans doute, puisque c’est dans ce désert que se laisse toucher Dieu, dans ce « désert » (comme une poustinia) que beaucoup vont à la quête de l’Essence même et reçoivent la manne…
Ton voyage est fascinant Danae.
T’avais oublié les compeed!!!???
Marie.
J’adore le proverbe . Quand à la démarche du chameau je n’imaginais pas que cela puisse être aussi agréable à regarder !
Elle raconte bien, hein Duluxe ?
On a l’impression qu’elle en a encore plein les valises de ces récits, peut-être elle a eu plusieurs vies hein ???
Bonjour Danaé,
…toujours sur tes traces, je poursuis ce magnifique voyage au Tibesti. J’aurais bien aimé goûter à la gazelle sauce au vin moi
bises
~Bonsai~
bonjour !
vos voyages me fascine beaucoup !
toujours bon de vous lire
Amicalement duluxe