Et le malade fut guéri ! 2/2
« A sa demande, un forgeron apporta alors une tige de fer à pointe aplatie, dont l’extrémité était rougie au feu. Bahad l’appliqua aux quatre extrémités de la croix qu’il avait incisée sur le crâne du patient. Les chairs grésillèrent. A la pointe de chaque volet, le guérisseur planta une épine et y attacha une nervure de palmier-doum. Les quatre liens pendant autour de la tête furent ensuite tirés et noués sous le menton de l’opéré, ouvrant les téguments en une fleur sanglante et fantastique qui découvrait l’os.
Lorsque l’hémorragie cessa complètement, Bahad nettoya la paroi osseuse. Guiane vit alors distinctement la trace du coup de sabre, un sillon noirâtre et profond.Et la trépanation proprement dite commença. A l’aide d’un burin Bahad traça autour du sillon une ellipse régulière et suivant ce tracé, il se mit à inciser l’os, à petits coups lents, précis et puissants. Dans un coin de la case, le faki accroupi marmonnait les formules saintes en égrenant son chapelet. Il commençait à faire chaud.
Au bout de quelque temps, Bahad laissa tomber son instrument émoussé et en saisit un autre. Il taillait sans relâche et dans l’os le cercle se creusait, de plus en plus profond. Eguédé qui avait tressauté à plusieurs reprises lorsqu’on lui ouvrait le cuir chevelu, demeurait maintenant immobile, la tête toujours appuyée sur le coude.
Les heures s’écoulaient et Guiane vit enfin ce qu’il attendait. Dans les mains nerveuses du guérisseur, l’outil se fit plus circonspect. Une sorte de contact mystérieux parut s’établir entre la pointe métallique et les sens du vieillard. Au-delà de l’écorce osseuse, Bahad avait senti qu’il allait atteindre l’organe essentiel et fragile.
Le moment crucial était arrivé. Les risques étaient énormes . Le vieux guérisseur eut soudain conscience de son grand âge et une terrible lassitude parut courber ses épaules. Il posa son regard sur Guiane , sa jeunesse et son calme le rassurèrent.
D’une main qui ne tremblait plus, il appliqua l’extrémité du burin en un point du sillon et il fit levier.La rondelle d’os remua dans son logement, mais ne céda pas .Bahad localisa les adhérences et donna encore deux ou trois coups de tranchant délicatement. A la seconde tentative, le fragment se détacha d’un seul coup. Le chirurgien le recueillit entre deux doigts et le tendit à Guiane émerveillé. Au-dessous, la surface palpitante des méninges apparaissait. Quelques mouches s’en approchèrent. Le jeune homme les chassa d’un revers de main.
Le patient était prostré et ne réagissait plus maintenant. Bahad lava la cavité avec de l’eau fraîche, puis y versa du beurre de chèvre.L’opération était terminée.
Comme il avait prévu de le faire, Guiane resta près de l’opéré, afin d’observer le processus de guérison. Dès lors, tout se passa normalement. Chaque matin, du beurre était versé dans la plaie et, jusqu’à la nuit, quelqu’un se tenait près du convalescent pour écarter les mouches.
Au bout de sept jours, on appliqua de nouveau de la poudre de garat et l’on ôta les bâtonnets qui empêchaient le cuir chevelu de se refermer. Peu de temps après les attaches de fibre se rompirent et on laissa les chairs se rabattre lentement sur l’ouverture béante du crâne.
Au bout de quinze jours, Eguédé déclara qu’il ressentait de violentes douleurs en divers endroits de la tête. Bahad s’y attendait, car il en était ainsi habituellement . Il localisa les points douloureux, par palpation et y appliqua l’extrémité d’une tige de fer rougie au feu. Les douleurs cessèrent.
Un mois plus tard, Eguédé était définitivement guéri. »
Vous avez un réel don pour l’écriture Danaé !
Votre récit est passionnant !
On croirait y être …
Très dur à lire, avec un »burin »…
Dernière publication sur Alice : Stand By Me - Playing For Change - Song Around The World
…il est habile ce guérisseur.
Très bien racontée cette histoire Danaé…avec une bonne fin
bises et @+
~Bonsai~
Brrr, cette partie aussi fait froid dans le dos. C’est impressionnant.