Voyage à l’île de Sein (6)
Mais regardez, nous sommes presque à la Pointe du Raz. Je connais bien tous ces coins là puisque j’ai fait le guide pour les touristes (il l’avait déjà dit et alors ?). On faisait parfois de bonnes journées, les gens étaient souvent généreux en pourboires car on les aidait dans les passages difficiles et même dangereux. Il vaut mieux connaître avant de prendre des risques. En bas, c’est le vide. Là, c’est la pointe de Coumoudoc, et plus loin »Ar Pladen », disons un endroit plat. Pas grand, mais suffisant pour un pêcheur à pied. Les gens qui connaissent descendent là avec leurs cannes à pêche. C’est agréable mais en bateau c’est mieux.
Et maintenant, l’extrémité de la pointe ! L’enfer de Plogoff bien sûr ! C’est une espèce de tunnel sous la pointe. Puis le »Toul Bihen » (petit trou), la passe de Trouzyar (bruit de la poule) et les Gorleik (roches): Gorlegreiz (roche du milieu), Gorlebella (la plus éloignée), j’en passe, et le phare de la Vieille dans lequel j’ai exercé mon métier de gardien.
photo Patrice Guichaoua
J’aimais ce métier. On embarquait à Bestrée et en arrivant au pied du phare on envoyait les provisions à la relève descendante par un jeu de cordes et poulies. Puis la relève montante utilisait cette espèce de va et vient pour rejoindre son poste. Ce n’est qu’après le passage des consignes que les autres descendaient. Ces relèves étaient dangereuses mais on était lestes. En principe on restait deux semaines mais une fois je suis resté un mois à cause de la tempête. La tour du phare tremblait tellement qu’on a cru que c’était fini pour nous. Dans ces cas là, on mangeait les vivres de réserve, surtout des conserves. Ce qu’il fallait, c’est que la lampe reste allumée. Parfois on ne voyait même pas la terre. Enfin, on était jeunes et puis on n’est pas mort. Le plus dur c’était pour les familles quand elles n’avaient pas de nouvelles. Nous n’avions même pas la télé à cette époque, juste la radio pour les informations.
Allez, regardez »La Plate ». C’est tellement dangereux qu’il faut des feux partout, sinon les bateaux n’auraient aucune chance. Déjà que parfois….Il n’y a pas longtemps, près de Tévennec, encore un petit jeune qui pêchait le bar. Perdu corps et biens. Tévennec c’est l’îlot là-bas. Les îliens y vont pour les »pouces-pieds ». Les professionnels pêcheurs de bars sont souvent ici. A la télé, Thalassa les a appelés
» les Seigneurs de la mer ».
Il faut les voir, parfois à sept ou huit, les uns près des autres, dans les courants. Dès que ça mord, ils débrayent le moteur pour se laisser aller dans le courant et remonter les poissons. Souvent il y a plusieurs bars très gros sur la même levée car ils pêchent avec dix ou douze hameçons, des »lostars » comme ils disent. Ils ne pourraient pas remonter leur ligne contre le courant tellement celui-ci est puissant. Mais avec cent kilos de bars au cours d’une partie de pêche, le marin fait une belle journée. C’est pour remplacer les mauvaises journées car parfois c’est nul. Dans tous les cas c’est dangereux.
Ah, l’île de Sein est en vue. Le débarquement a lieu au pied du phare de Menbrial.
à suivre …
Très bon récit Danaé…j’avais l’impression d’être dans le phare de l’île.
Merci pour l’aventure
~Bonsai~
Oui mais tu as vu, ça va te coûter cher !
j’ai imprimé les textes
y en a un que ça a super intéressé à ma maison
Ouééé
J’ai beaucoup de plaisir à relire ce texte qui détient par ailleurs le record mensuel du nombre de lecteurs (67) sur un autre blog. Super travail Danaé. Et pour ceux qui voudraient imprimer, c’est OK, à condition de reverser les droits d’auteur à votre association de Pors Loubous. Amitiés. Spartacus
bravo danaé, a demain